LE REGARD DU PUBLIC
Lorsqu’elle est arrivée sur scène, son personnage s’était déjà emparé d’elle.
Elle s’avança doucement, pieds nus, aveuglée par les lumières des projecteurs, mais sentant la présence des spectateurs. Elle savoura ce moment d’attente du public.
Elle était une autre et cette autre allait raconter son histoire.
Ce n’était pas elle que le public regardait, mais cette autre.
D’ailleurs, peu importait, il fallait qu’elle leur dise ce qu’ils ne savaient pas, qu’elle témoigne pour cette autre.
Le trac avait laissé la place à l’émotion. Celle qui vous serre la gorge et vous empêche de parler. Elle a pensé à tout ce qu’elle aimerait dire et qui pourrait se résumer par « si vous saviez », lorsque les mots ne sont même plus suffisants pour s’exprimer.
Finalement, elle a raconté l’histoire de cette chômeuse qui a peu à peu perdu son identité, ses mots et sa parole, sa place, sa liberté s’agrippant à sa carte d’identité comme à la dernière preuve de son existence.
Elle a compris que lorsqu’il y a urgence à dire, la peur du regard de l’autre n’a plus lieu d’être.
Juillet 2016
Pascale