Les ateliers théâtre Le Petit Bain

Le regard d’une mère

Le regard d’une mère

Charlotte flâna dans le jardin des Tuileries puis remonta la rue de Rivoli jusqu’à la Concorde. Elle était tombée amoureuse de Paris. Elle s’assit à une terrasse de café pour profiter du premier soleil de printemps. Elle sentit son corps se détendre sous l’effet de la chaleur. Elle savourait ce moment en attendant Michel qui travaillait rue Royale.

Ils s’étaient rencontrés il y avait six mois lors d’une soirée londonienne. Il était venu faire un stage linguistique. Il avait 28 ans, elle en avait 25. Elle avait quitté son emploi de photographe ainsi que l’Angleterre pour le suivre à Paris. Elle était très amoureuse et ils attendaient leur premier enfant.

Elle sentit le bébé bouger. Il donnait des coups. Elle allait devenir maman et cette pensée la ramena à sa propre mère.

Saurait-elle ne pas avoir le même regard sur sa fille que sa propre mère avait eu sur
elle ?

Depuis sa rencontre avec Michel, elle se sentait digne d’intérêt. Michel lui renvoyait une belle image d’elle-même et elle n’avait pas toujours eu cette perception.

Elle avait reçu une éducation stricte et sévère. Une mère froide et un père absent tout en étant pourtant physiquement présent. Elle se souvenait que déjà enfant, elle se pliait en quatre pour que sa mère la regarde et lui exprime de l’affection. Elle cueillait des fleurs dans les champs pour lui offrir des bouquets en espérant une réaction. Elle se devait d’être la meilleure dans toutes les disciplines pour que sa mère soit fière d’elle. A l’adolescence, elle était devenue une bonne nageuse et enchaînait les compétitions . A chaque victoire, elle guettait dans le regard de sa mère la moindre expression de fierté. Mais elle ne lisait rien dans les yeux de sa mère et ne percevait pas non plus d’attitude laissant penser que sa mère était fière de sa fille. L’était-elle ? Aucune parole non plus. Etait-elle vraiment sa fille ? Que représentait-elle pour sa mère ?

Elle avait grandi sans confiance en elle. Ce n’était que plus tard qu’elle avait compris que sa mère ne savait pas lui donner la reconnaissance qu’elle attendait. Cela ne signifiait pas qu’elle ne méritait pas la reconnaissance.

Avec Michel, tout était devenu différent. Elle se sentait aimée. Il aimait ses yeux, son sourire, sa fragilité et sa force, sa sensibilité extrême. Il la trouvait même intelligente. Cet homme avait soigné les bleus de son âme.

Charlotte avait compris qu’il y aurait dorénavant un avant et un après.

Elle aperçut au loin une mince silhouette marcher d’un pas alerte. C’était Michel qui arrivait. Il lui souriait.

Novembre 2015 – Léna